Les Evêques d’Avranches

Au XIe siècle, la terre du Vièvre appartenant au Duc de Normandie, comprenait St-Philbert, Freneuse, St-Pierre des Ifs, St-Grégoire du Vièvre, St-Etienne l’Allier et la Poterie Mathieu.

JeandIvry
Jean d’Ivry

Terre de chasse de Richard 1er, c’est à l’issue d’un épisode relaté ci-contre que le Vièvre revint à Raoul d’Ivry, frère utérin du Duc par sa mère Sprota remariée à Asperleng, le premier possesseur de la terre de Saint-Philbert. Raoul prit le nom de son nouveau domaine de St -Philbert puis le Duc l’investit de la terre d’Ivry et il devint l’un des barons les plus influents de la cour de Richard 1er. En 997, le Duc Richard II lui confia la charge de réduire à néant la révolte des paysans normands. Charge dont il s’acquitta avec brio. Des quatre enfants de Raoul d’Ivry, Jean le cadet est nommé évêque d’Avranches en 1060 et le restera jusqu’en 1067 avant  de prendre le titre d’archevêque de Rouen. Il hérite de la terre du Vièvre que lui transmet son père. Jean est désigné Jean d’Ivry, Jean d’Avranches ou Jean de Saint-Philbert. C’est ce personnage qui donnera le nom à l’honneur et au monument de la Baronnie des Evêques d’Avranches érigée en manoir épiscopal dès le XIe siècle. En 1066 il participe au concile de Lillebonne aux côtés du Duc en vue de préparer la conquête de l’Angleterre. Après la mort de Jean de Saint-Philbert survenue en 1079, la baronnie continuera d’être habitée par les évêques d’Avranches utilisant le manoir comme relais lors de leurs différents déplacements.

Le lien avec Montfort    

v07 218.3.1 a monnaie guillaume le conquerant 1083 revers
Denier de Guillaume le Conquérant

En 1066, Jean de Saint-Philbert crée un conflit familial en prenant la décision de donner à l’église d’Avranches la moitié de la terre du Vièvre héritée de son père. Robert de Beaufou, son neveu, s’oppose farouchement à cette décision,  prétendant par sa mère recevoir l’héritage de Raoul d’Ivry. Guillaume, Duc de Normandie intervient alors et arbitre en faveur de Jean moyennant 10 livres et la recommandation de cinq chevaliers qui devront tenir fief. Guillaume constitue alors Hugues II de Montfort héritier de la moitié de la terre du Vièvre afin de consolider l’honneur de Montfort. Robert de Beaufou, n’est autre que le beau frère de Hugues de Montfort, celui-ci ayant épousé sa sœur prénommée Alice. S’agissant de la question relative à la fréquentation militaire du manoir par les hommes qui y doivent le service, au XIIe siècle, il était dû par cinq hommes ; vraisemblablement ceux que mentionne la charte de 1066. En 1535, l’évêque Robert Cenalis mentionne que « les services qui sont dus a ladite baronnie de Saint Philbert soulaient anciennement estre faits au château de Montfort » Ce qui signifie qu’initialement les chevaliers de la Baronnie étaient habituellement affectés au château d’Hugues de Montfort.

L’Architecture

L’enceinte de la Baronnie s’étend sur 1,5 ha environ. L’espace castral compris entre 105 m de long par 100 m de large est aménagé à mi-pente du versant tourné vers la Risle. L’enclos est ceint de quatre tours cylindriques du XIIIe  élevées sur trois niveaux disposées aux angles. De différentes hauteurs, trois d’entre elles demeurent bien conservées. Elles offraient un flanquement efficace en cas d’attaque. L’appareillage est constitué de silex noir et de chaînages réalisés en pierres calcaires bien agencées. Notons qu’aucun fossé ne protégeait l’enceinte. La cour d’honneur était séparée de la basse cour par un mur. Il est précisé dans un document de 1807 que l’enclos réservé à la basse cour était constitué d’un terrain disposé en terrasse et probablement utilisé à titre de jardin. L’enclos résidentiel se situait sur l’alignement du mur d’enceinte dominant la vallée. On observe encore dans le mur une poterne ogivale ainsi qu’une autre ouverture.

Selon un inventaire de 1765, trois bâtiments indépendants formaient la résidence noble, c’est-à-dire la capella, dédiée à St Jean, l’aula et la camera. ( chapelle, salle de réception, chambre) Ces bâtiments constituant la haute cour ont disparu. L’entrée se tient à l’arrière de l’édifice au pied de la forêt et est formée d’une large porte flanquée de deux tours équipées d’archères. A l’intérieur de la cour, se tiennent deux bâtiments dont un pressoir et une grange dîmière, magnifiquement conservés adossés en enfilade le long du mur nord. Les maçonneries sont de type silex et moellons calcaires, seules les ouvertures et les contreforts sont appareillés de pierres calcaires .

L’ours de la forêt du Vièvre

Guillaume de Jumièges, illustre auteur du XIe siècle nous rapporte une anecdote mettant en scène le duc de Normandie et Raoul comte d’Ivry. Le Duc Richard 1er, fils de Guillaume longue épée et de Sprota, chassait dans la forêt du Wewr (Vièvre). Il était alors accompagné de son frère utérin Raoul, fils de Sprota devenue veuve et remariée à Asperleng propriétaire des Moulins de la Risle à Saint-Philbert. Richard fut subitement attaqué par un ours de forte taille, la vue de l’animal mis en fuite les compagnons de Richard ; seul Raoul également en danger de mort, demeura aux côtés du duc  réussissant à terrasser le fauve.

C’est par reconnaissance que Richard, subjugué par le courage et la témérité de son frère utérin, lui témoigna sa gratitude en lui offrant la forêt du Vièvre et les terres en dépendant. Il existe une ferme et un hameau situés sur le plateau proche de Saint Pierre des Ifs qui porte le nom de l’Ourie en mémoire de l’ours abattu par Raoul.