Le nom de Montfort provient de « mons fortis » en référence à la forteresse placée au sommet de la colline contre laquelle le bourg est adossé. Les fortifications initiales vraisemblablement romaines puis franques, on fait place à l’édifice actuel, construction des XI et XIIèmes siècles.

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A l’issue de la conquête de la Normandie, Rollon partagea la Neustrie entre ses compagnons d’armes. Torsten de Bassebourg descendant probable d’Anslech de Bricquebec reçu les domaines de Bricquebec et de Coquainvilliers, puis quelques temps après, il reçu du duc l’honneur de Montfort et fut véritablement le premier possesseur des lieux attesté. Portant le titre de vicomte, l’origine de son nom provenait du lieu dit de Bassebourg situé sur le canton de Brucourt dans le Pays d’Auge dont il était originaire. Il donna naissance à Hugues 1er dit Hugues à la barbe qui hérita du domaine. Quatre Chartes le citent dont une mentionnant le titre de Vicomte qu’il porte et qui lui confère une situation importante au regard de l’administration du duché. Un premier élément de la vie d’Hugues 1er de Montfort nous est rapporté au travers d’une charte de l’Abbaye de Jumièges datée entre 1020 et 1045 évoquant la jouissance viagère d’une terre affermée à Adhelmar, l’un de leur vassaux et située à Lilletot sur la commune de Fourmetot.

Charte de Hugues 1er de Montfort terre de Lilletot
Charte de Hugues 1er de Montfort relative à la donation de la terre de Lilletot

Les sources précisent que c’est Hugues 1er qui édifia la forteresse de pierre dans le premier quart du XIe siècle. En 1039, il trouve la mort dans un combat contre Vauquelin de Ferrières à Plasnes près de Bernay, son adversaire avait embrassé le parti de Roger de Toesny contre le duc Guillaume de Normandie auquel Hugues était resté fidèle.

Hugues II lui succéda, dévoué au duc Guillaume dont il était le connétable, il l’accompagna dans la plupart de ses expéditions guerrières .En 1054 il conduit dans le pays de Caux les hommes d’armes du duc de Normandie contre les troupes du roi de France Henri I et remporte sur les Français l’éclatante victoire de Mortemer. Durant ce conflit, Hugues II de Montfort acquiert ses lettres de noblesse jouant un rôle déterminant et occupant un poste à responsabilité dans l’encadrement de l’armée normande. Guillaume de Malmesbury le cite comme étant l’un des principaux capitaines, artisan de la victoire.

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L’ exécution d’Harold par le commando auquel participa Hugues II de Montfort

En 1066, il fonde le prieuré de Saint Hymer en Auge placé sous l’honneur de Coquainvilliers qu’il détient. La même année, sous l’impulsion de Guillaume le Conquérant, il reçoit en héritage de Jean de Saint Philbert la terre du Vièvre lui permettant de consolider l’honneur de Montfort. La consécration d’Hugues II de Montfort se réalisera en 1066 avec sa participation active à la conquête de l’Angleterre et plus particulièrement à la bataille d’Hastings ou il s’illustrera aux côtés de Guillaume le Conquérant en sauvant la vie de Guillaume Malet assisté de Guillaume de Vieux-Pont. Lors de cette terrible bataille, il est dit, selon Guy d’Amiens et Robert Wace qu’un commando de quatre hommes dirigé par le duc Guillaume lui même fut missionné pour mettre à mort Harold , Hugues II de Montfort étant à ses côtés.

Hugues II de Montfort fournit au duc 50 navires et 69 hommes d’armes pour l’expédition d’Angleterre. En récompense de sa bravoure et de sa valeur, Guillaume le gratifia de 134 manoirs en Angleterre situés dans les comtés du Norfolk, Suffolk, Essex et Kent. Il reçut également l’honneur d’Haughley comprenant le château de Saltwood et celui de Douvres et se vit confier avec Odon de Bayeux la gestion de l’ensemble du comté du Kent. Hugues II de Montfort rentre en Normandie vers 1076 et fonde la collégiale de Saint-Philbert. Il alternera plusieurs voyages entre l’Angleterre et la Normandie et finira ses jours à l’abbaye du Bec Hellouin prenant l’habit monastique. Il meurt en 1088.

Pierre Tombale de Robert I de Montfort sur Risle
Pierre tombale de Robert de Montfort

Ses deux fils Hugues III et Robert 1er recevront respectivement les terres anglaises et les terres normandes. Hugues III ne jouit pas longtemps du domaine de son père, trouvant la mort en terre sainte. Sans descendance masculine, les possessions anglaises échoient à Robert 1er excepté l’honneur d’Haugley revenant à Adeline la fille d’Hugues III qui verra l’honneur d’Haugley confisqué par la suite, par Henri 1er Beauclerc, roi d’Angleterre et qui sera le terreau de forts désaccords entre le futur roi d’Angleterre Henri Beauclerc et les Montfort

Robert I , connétable héréditaire, commandait en chef l’armée de Guillaume le Roux roi d’Angleterre et régent de toute la Normandie. En 1098, sur ordre du roi, il partit avec 700 hommes s’emparer de la tour du Mans. L’année suivante en 1099, commandant l’armée royale et accompagné de 500 hommes d’armes, il s’empare du château de Vaux (Sarthe) après y avoir éteint le feu et défait Hélie, comte de la Flèche, qui voulait s’emparer de la ville de Ballon. Alors qu’il s’illustra brillamment à travers d’autres faits d’armes, il ne persista pas dans la ligne de conduite exigée par la loyauté et en 1102, il abandonne le duc de Normandie Robert Courteheuse au siège de Vignat puis il rallie Henri 1er Beauclerc en combattant contre lui à la bataille de Tinchebray en 1106 . En 1107, accusé par Henri 1er Beauclerc d’avoir violé sa foi, Robert de Montfort s’exilera en Italie du sud au côtés de Bohémond de Tarente et perdra la vie au siège de Durazzo l’année suivante.

N’ayant lui non plus laissé aucune postérité, le domaine de Montfort revint à son neveu qui prit le nom de Hugues IV. Marié à Adeline de Meulan, la soeur de Galéran de Meulan, sire de Pont-Audemer et Beaumont le Roger, Hugues IV reçut encore le titre de Justicier que portaient ses aïeux. C’est probablement au début de sa carrière qu’Hugues IV effectue un vaste programme de travaux et de modifications au château de Montfort. Il participa à la conspiration de la Croix-St-Leufroy en 1122 visant à élever au pouvoir Guillaume Cliton au détriment du roi Henri 1er Beauclerc. Mais ces menées clandestines n’échappaient point au roi Henri et c’est ainsi qu’en 1124, le château fut assiégé. Apres un mois de siège et de multiples assauts, le château passa aux mains d’Henri . Aidé de son beau-frère Galeran de Meulan et d’une puissante troupe, Hugues tenta à nouveau de défier le duc roi près de Rougemontiers, mais ils furent faits prisonniers et le restèrent pendant 11 ans jusqu’à la mort d’Henri en 1135. Pourtant Henri 1er pardonna à Galéran de Meulan, et lui concéda la jouissance du château de Montfort. Pendant 36 ans, il occupa les lieux et fit réparer le château.

Robert II de Montfort, fils héritier d’Hugues IV avait déjà été associé partiellement aux affaires du lignage. Nous le retrouvons comme témoin dans une charte en présence de son père vers 1150 pour l’abbaye de Lessay. Robert II reçu d’Hugues IV, sans doute âgé, une partie ou la totalité des biens du lignage et ce, probablement avant 1150. Vers 1151, Robert II pris pour épouse Clémence de Bienfaite, qui lui donna six enfants et lui apportea en dote l’honneur d’Orbec. Clémence de Bienfaite est la petite fille de Raoul de Fougères et d’Hadvise de Bienfaite, fille de Richard d’Orbec et de Bienfaite.

Robert de Montfort réclama à maintes reprises la restitution du château de Montfort et des domaines de son père, près de son oncle Galéran sans succès. Usant de diplomatie, Robert de Montfort parvint à organiser une rencontre avec son oncle en 1152 à Capelle les Grands. Robert et ses hommes d’armes se saisirent de Galéran et l’enfermèrent dans le donjon du château d’Orbec proche du lieu de la rencontre. Immédiatement les soldats de Galéran assiégèrent le château durant trois mois mais sans résultat. Contraint d’abandonner, Robert de Montfort proposa à son oncle de recouvrer la liberté sous condition de lui restituer son château de Montfort pour prix de sa rançon. Galéran n’eut d’autre choix que d’accepter. Robert II de Montfort retrouva le château allodial de Montfort en 1153. Quelques temps après, Galéran, à la tête de ses vassaux et d’une armée nombreuse, décida de reprendre Montfort à son neveu, et à son tour, il mit le siège au château. Décidant de mettre fin au siège, Robert de Montfort avec ses vassaux et sa garnison réussirent à mettre en fuite leurs adversaires en effectuant une sortie salutaire.

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Duel judiciaire de Robert II de Montfort et d’Henri d’Essex en 1163

Robert II de Montfort détenait alors l’honneur de Montfort comprenant 21 vassaux, l’honneur de Coquainvilliers pour 23 vassaux et l’honneur d’Orbec, pour 11 vassaux. Ces trois honneurs lui permettaient d’avoir 55 vassaux à son service et faisait de lui l’un des barons les plus puissants de Normandie. D’autant qu’il possédait encore un nombre considérable de domaines en Angleterre. En 1163, accusant Henri d’Essex de couardise, il le provoque en duel judiciaire sur l’île de Reading. Remportant le combat il laisse la vie sauve à Henri d’Essex espérant reprendre le château d’Haughley que ce dernier avait reçu par héritage. Mais le plan de Robert II de Montfort échoue , Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre profite de cette occasion en s’accaparant le château d’Haughley si cher à Robert de Montfort.

Robert de Montfort entrepris de se croiser en se rendant à Jérusalem. Peu d’éléments viennent confirmer ce fait excepté une lettre de l’archevêque de Tyr datée de 1164-1165 mentionnant ce voyage. Les armes de Montfort « de gueules au sautoir d’or » probablement issues de cette période, sont conservées dans la salle des croisades à Versailles.

Armes de Montfort Versailles Robert II 2
les armes de Montfort conservées à la galerie de Versailles

La participation de Robert de Montfort est attestée à la révolte de 1173-1174 par la Gesta Regis Henrici Secundi Benedicti Abbatis. Cette révolte visait à destituer le duc-roi Henri II Plantagenêt aux dépens de son fils Henri le Jeune dit Henri Courtemantel. En 1173 -1174, Henri II faisait saisir les places fortes et les terres de Robert de Meulan la paix fut rétablie le 8 Aout 1174, Robert II de Montfort était du parti des vaincus, il meurt en 1179.

Le fils aîné de Robert reçu la succession du lignage sous le nom d’Hugues V, mais encore mineur, les possessions de la famille furent dans un premier temps, placées sous la tutelle de Clémence de Bienfaite jusqu’aux treize ans révolus de son fils atteignant alors la majorité en vigueur. Selon F. Fichet de Clairfontaine, la garde du château et l’honneur de Montfort furent remis à Hugues V par Guillaume Le Gras, sénéchal du roi d’Angleterre entre 1194 et 1197. C’était là une faveur royale qui permettait à Hugues V de retrouver puissance et prestige. Néanmoins, Hugues V déclara expressément dans une charte que le château de Montfort faisait dorénavant partie du domaine royal. Les relations avec le pouvoir royal s’améliorèrent de façon notoire lors de la prise en main de la Normandie et de l’Angleterre par Richard Cœur de Lion en 1189. Le pouvoir des Plantagenêt était alors de plus en plus menacé par Philippe Auguste qui tentait de ravir leurs possessions. Alors que les relations des Montfort avec Henri 1er Beauclerc puis Henri II Plantagenêt de 1107 à 1189 avaient été chaotiques, elles devenaient plus chaleureuses sous les rois successifs Richard et Jean. Hugues V, resté fidèle aux Plantagenêt, disposait du château de Montfort, élément important dans le système de défense de la Normandie. Suite à la prise de château Gaillard par le roi de France, le château de Montfort s’inscrivit dans la seconde ligne de défense du duché et devenait ainsi une pièce maîtresse. Hugues V, fidèle au duc de Normandie Jean sans Terre reçut de nouvelles faveurs. Mais en 1203, Hugues V disparaît des textes et il est fort probable qu’il perdit la vie lors d’un combat. Le château échut à Hugues de Gournay. Ce dernier devait abandonner Jean Sans Terre en livrant Montfort aux troupes de Philippe Auguste. De part son importance stratégique, la forteresse fut à nouveau reprise par le roi d’Angleterre qui la détruisit partiellement démolissant les tours, démantelant les murailles, ruinant les chemins couverts, comblant le puits et démolissant les étages supérieurs du donjon. Aussi quand les envoyés de Philippe Auguste vinrent reprendre possession de la forteresse, ils n’y trouvèrent plus que des ruines …

A la suite de la confiscation de leurs terres normandes par le roi de France La famille de Montfort se retira dans ses possessions Anglaises. Toutefois et curieusement, nous retrouvons traces de membres du lignage qui auraient maintenu leur présence en Normandie.

EVOLUTION ET TRAVAUX SUR LE LIGNAGE DES MONTFORT

Nos dernières recherches en matière de généalogie, ayant trait à la famille de Montfort, apportent les remarques suivantes :

1) Les liens familiaux avec la famille de Beaumont transparaissent dès le Xe siècle lors de la formation des deux lignages :

  • Eremburge Bertran, sœur de Torsten de Bassebourg épouse Torf de Pont-Audemer qui sera la souche de la famille de Beaumont.
  • Anceline de Montfort épouse Turketil de Neufmarché, frère de Turold de Pont-Audemer
  • Au XIe siècle, Toustain de Montfort épouse Aubrée, nièce de Roger de Beaumont et donnent naissance à Guillaume 3ème Abbé du Bec.
  • Hugues IV de Montfort, au XIIe siècle épouse Adeline, la sœur de Galéran de Beaumont Meulan.
  • Raoul de Montfort ayant contracté plusieurs dettes, emprunte de l’argent aux Beaumont Meulan en 1203

Manifestement, des liens étroits apparaissent entre les deux familles. Rappelons que les territoires compris entre Pont-Audemer et Montfort appartiennent aux deux familles. Certaines paroisses telles que Colletot, Valletot ou Manneville comportent des fiefs tenus par les Montfort d’une part et par les Beaumont d’autre part. Enfin la politique menée par les tenants des deux familles a toujours été proche. Que ce soit envers le soutien sans faille de Guillaume le Conquérant ou au contraire lors de la conspiration de 1122 à l’encontre d’Henri 1er Beauclerc. Nous pouvons en conclure que le territoire dit de la vallée de la Risle faisait état d’une certaine unité.

2 ) Les difficultés à définir le lignage des enfants puînés.

L’histoire, les chartes et les témoignages sont souvent peu loquaces s’agissant des cadets de famille. Nos dernières recherches ont toutefois permis de lever certaines zones d’ombre.

  • S’agissant de Guillaume de Montfort/Beaumont 3ème Abbé du Bec, l’établissement de ses origines est à présent déterminé. De nombreuses sources ont été parsemées d’erreurs attribuant à Torsten de Bassebourg la paternité de Guillaume, Abbé du Bec, à tort. C’est bien du frère cadet d’Hugues II  de Montfort, Toustain, qu’est issu Guillaume et sa mère est bien Aubrée de Beaumont.
  • Une autre erreur souvent rencontrée se tient au lien de parenté qu’entretenait Adeline de Montfort qui épousa Guillaume de Breteuil et qui fit construire la très belle église romane de Routôt. Ici aussi de nombreux ouvrages attribuaient la paternité d’Adeline à Hugues IV de Montfort mais il s’agit bien d’une fille d’Hugues II
  • Une zone d’ombre importante et quelque peu élucidée tient aux derniers Montfort connus en Normandie. Raoul de Montfort est attesté en 1203 alors qu’Hugues V est mort au combat. Raoul semble donc le seul enfant mâle avec Henri et peut-être Guillaume à avoir subsisté au démantèlement de la Normandie par Philippe Auguste.
  • Qu’est-il advenu de la famille de Montfort après 1204 ? Les textes, très laconiques sur le sujet, nous avisent que la famille de Montfort se serait retirée dans ses terres Anglaises.
  • Certes, la branche cadette dont Toustain de Beaudesert est à l’origine avait déjà déployé une branche à Henley in Arden. Cependant nous n’avons collecté aucun élément s’agissant des enfants puînés issus de Robert II de Montfort après la l’annexion de la Normandie au royaume de France. Quelques bribes d’informations ont été collectées quant à un éventuel établissement des Montfort subsistant dans une partie de leur ancien honneur de Dozulé. Un certain Robert de Montfort est également attesté en 1319 pour avoir donné les dîmes et les foires de Dozulé probablement à l’abbaye de Saint Barbe en Auge… Mais à ce stade, nos recherches ne nous permettent pas, aujourd’hui, de conforter cette assertion.

                                                                                                         

Jean-Christophe BISSON

Charte inedite St Hymer 1319 suite
Extrait et traduction de la charte de Saint Hymer de 1319 évoquant la présence des Montfort à Dozulé en 1319