René Sautin naît à Montfort-sur-Risle en 1881 dans une grande maison située 18 rue saint Pierre. Il avait deux sœurs, Andrée et Raymonde et un frère Maurice.

Après des études primaires et secondaires à Montfort sur Risle et Pont-Audemer, René Sautin se dirige vers le dessin :  » Mes études terminées, nanti d’un bagage classique, j’entrais à l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen dans l’atelier du peintre Philippe Zacharie, maître distingué et pour lequel le dessin était un métal précieux. Puis je gagnais Paris où je fis un an dans l’atelier Ferrier… et je me lançais dans la peinture avec quelques bons camarades en écoutant les conseils du peintre Albert Lebourg « 

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Sautin se marie en 1910, avec Marthe Leclerc, se fixe aux Andelys en 1911 et se lie d’amitié avec Manzanna Pissarro, Paul Signac, Maximilien Luce, André Derain, Armand Guillaumin, Henri Lebasque et Paul-Elie Gernez qui se retrouvaient aux Andelys pour peindre sur les bords de Seine.

Imprégné de sa terre normande, René Sautin sera pour l’essentiel un peintre paysagiste. Vers les années 1923, il abandonne la facture impressionniste pour un fauvisme calme et raisonné. Ayant trouvé l’équilibre dans ses moyens d’expression à partir de 1925, il atteind sa plénitude dans les années 50. Il est l’un des rares peintres normands à décrire ses paysages d’une manière aussi personnelle par leur puissance, une certaine violence maîtrisée, une forte sensibilité.

Homme fier, distingué et très cultivé, il a beaucoup souffert de ne pas être compris en son temps et il a regretté cet isolement :  » Ma vie a été souvent dure et difficile… »

La première période de son œuvre est très influencée par Albert Lebourg et le mouvement Impressionniste, mais très vite il s’oriente vers une peinture fauve aux couleurs calmes et raisonnées. Il disait lui-même de sa peinture :  » Peindre, en substance, c’est étaler de la pâte et non frotter. Partant de là je peins épais en pleine pâte, sans frottis, chaque touche étant définitive. Je ne reviens jamais sur un ton une fois la touche posée. Ceci donne une grande puissance à ma peinture et beaucoup de caractère. Que diable ! la nature est affirmée. Ce qui fait la beauté d’un ton c’est sa couleur osée et riche. Tout l’art de peindre réside dans faire ou interpréter comme on sent, comme on voit, tout le reste est snobisme. Peindre c’est extérioriser son tempérament. C’est une interprétation de sa pensée que l’on passe à d’autres « 

Installé aux Andelys depuis 1911, René Sautin effectuait régulièrement des séjours à Montfort et Pont-Audemer. Avec son ami peintre Henry Dannet, qui devient conservateur du musée Alfred Canel à Pont-Audemer, il fonde ce que l’on appellera l’Ecole de la Risle qui fera l’objet d’une grande production d’œuvres réalisées autour de Pont-Audemer et de la Risle maritime.

Attaché au département de l’Eure, René Sautin devient délégué territorial de l’Association des Amis des Monuments et Sites de l’Eure et les correspondances qu’il entretient mettent en évidence un profond attachement à Montfort et son château médiéval qu’il mettra en scène dans plusieurs affiches destinées à la promotion du territoire.

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La période de la Seconde Guerre mondiale bouleverse profondément l’artiste. Il ne cesse de peindre la Seine, les quais du Petit-Andelys et le Château Gaillard. Il peint très souvent aux mêmes endroits, mais à chaque fois c’est une œuvre nouvelle qu’il crée. Le 8 juin 1940, les Allemands bombardent la ville des Andelys. On découvre alors une cité détruite à soixante-dix pour cent. Les églises ont été épargnées ainsi que quelques maisons, mais tout le centre-ville a disparu sous le pilonnage des bombes. C’est alors que René Sautin réalise, au lendemain des bombardements, une série d’aquarelles, comme s’il souhaitait conserver un témoignage, pour les générations futures, de la vision apocalyptique de la ville.


Dès lors, son œuvre change. Son dessin est plus marqué, cerné de noir.
Sur la Seine les péniches portent le pavois tricolore. Dans les années 50, René Sautin poursuit cette tendance à souligner son dessin. Malheureusement, il perd peu à peu la vue. L’artiste compense sa perte de vision par des couleurs de plus en plus violentes et vives qu’il reproduit sur des formats conséquents. Il arrête de peindre définitivement en 1964, quatre ans avant son décès survenu en 1968, il a alors 87 ans.

Peu reconnu de ses contemporains et vivant modestement, il se lie d’amitié vers la fin de sa vie avec l’imprimeur Robert Tuffier, imprimeur aux Andelys. Sautin lui propose d’exposer plusieurs de ses œuvres dans sa boutique et rencontre alors le succès escompté. En 1964, l’imprimerie se transforme alors en galerie pour le plus grand bonheur de Robert Tuffier et de René Sautin.

La maison natale d’Albert Lebourg avait reçu une plaque commémorative en 1924, mais la commune de Montfort oublia de rendre hommage à René Sautin.  C’est en 2000 que l’association Montfort Culture et Patrimoine rendit à Sautin ce dernier hommage en présence de son ami proche, Robert Tuffier, installant une plaque commémorative au-dessus du porche de l’immeuble où naquit l’artiste.

Aujourd’hui, les œuvres de René Sautin sont régulièrement exposées. Le musée Nicolas Poussin des Andelys conserve plusieurs de ses tableaux. Des expositions régulières rétrospectives mettent en valeur l’œuvre de Sautin à Montfort sur Risle dans le cadre du festival impressionniste en 2010 et 2016 ou aux Andelys en 2018 lors de l’anniversaire de sa mort. La cote de René Sautin atteint aujourd’hui des enchères élevées et les collectionneurs apprécient particulièrement la période fauve et les dernières années de son œuvre.